Texte de Charles Vincent
paru dans Charentes Maritimes n°17
[devider size= »full » thickness= »1px » ]
Son livre d’or relève « les roses tendres, la sensualité des thyriens mariés aux jaunes, la mélancolie des marais de l’ile ». On sent aussi, sous l’archet inflexible du violoniste, l’énergie indomptable du pinceau. Derrière la bonhommie du curé, on devine une palette puissante, un regard vert qui perce les cauchemars. Crudité de tignasse rousse, toute-puissance violette de féminité nue, audace chromatique de mauves croqués avec l’instinct du fauve.
[spacer size= »small »]« Je suis une fille à cauchemars », se résume-t-elle.
L’effroi n’est pourtant pas ce qui caractérise ses œuvres, hormis peut- être l’inquiétant autoportrait où elle se dépeint comme emprisonnée derrière un grillage de choses inextricables. S’y punit-elle de n’avoir jamais été sage? Peu loquace sur son parcours, Geneviève évoque brièvement ses cours parisiens aux Arts déco et à l’académie Charpentier. Pas sa tasse de thé, l’école. Elle s’attarde un peu plus sur son apprentissage à l’atelier du sculpteur Georges Muguet, qui fut lui même élève de Bourdelle : « un artiste magnifique, auprès de qui j’ai beaucoup dessiné. »
Personnalité solaire débordant d’énergie positive, elle se définit à la fois rêveuse et chahuteuse, qualificatifs qui collent à merveille à ses tableaux, tour à tour tendres et débordants de vie, toujours sans concession. Sa vie comme son art sont faits d’essais solitaires, à la manière des philosophes. Autodidacte, elle travaille à la gouache, à l’huile ou au pastel gras. Elle aime la matière puissante. Inutile de d’essayer de l’enfermer dans un style ; autant risquer de capturer un chat sauvage. Ce qui frappe chez elle, c’est la manière fauve qu’elle a de jeter brutalement la couleur, de juxtaposer les touches crues, de se plier en quatre pour tenir dans un format carré. Il y a du Derain dans ses autoportraits, du Vlaminck dans ses paysages, du Matisse dans ses natures mortes.
Son violoniste possède même un je ne sais quoi de « l’abbé » de Fragonard. Quant à feu l’évêque de Blois, qu’elle a peint d’après photographies, elle avoue : « j’ai mis de la chair à ce bonhomme qui m’a été tout de suite sympathique ».
« Pour moi, vivre c’est peindre. J’ai besoin de ma peinture pour me centrer, dans la joie comme dans la peine. » Elle dit se nourrir de ses expositions, mais n’est pas carriériste pour un euro,
refusant d’accorder l’exclusivité aux galeries, fussent-elles cotées. Sans doute par peur d’être enfermée dans un carcan productiviste, elle préfère vivre au jour le jour, même si «concilier l’art et le matériel, c’est très difficile pour une femme seule… » D’autant plus ardu que « réussir une œuvre, c’est comme passer du fil dans le chas d’une aiguille, çà tient à pas grand chose. L’important est le chemin. »
On la sent parisienne jusqu’au bout des ongles, elle qui remplit ses carnets de croquis avec Ménilmontant, Belleville, les Buttes-Chaumont. Mais l’ile de Ré est son jardin, depuis toute petite :
« Ré m’a appris qu’il y avait des étoiles dans le ciel. L’île était à nous, à moi et à mes frères. » Elle revoit la petite maison de pêcheur familiale; elle revoit René, son père, prof de biologie animale,ausculter le moindre centimètre carré d’estran avec ses binocles, traquant les AEpophiles, « ces insectes qui vivent dans les sables alvéolaires et dansent à la surface de l’eau comme des patineurs ». Il y a de la poésie dans la science du vivant, mais l’étincelle artistique lui vient probablement de sa mère, née de Palma et relieuse d’art…